Critique Manga
Anne Freaks
Nom Original: Anne Freaks
Nom Anglophone: Anne Freaks
Auteur: Yua Kotegawa
Genre: Seinen
Autre(s) Manga du même auteur:
- Ottori Sousa (1996-2000; 10 Volumes, série achevée)
- Arcana (2001; 2 Volumes, série achevée)
- Shikei-shu 042 (2002; 4 Volumes, série en cours)
- Line (2003; 1 Volume, série achevée)
Histoire
Imaginez un peu...
A 17 ans, vous êtes un simple lycéen, timide et introverti. Un soir, votre mère
tente de se donner la mort et, agonisante, vous supplie de l’accompagner dans
le trépas. Restant sourd à ses lamentations, trop effrayé à l’idée de quitter
un monde qui ne vous a pourtant jamais réellement souri, vous attendez,
accroupi sur le sol, que les derniers battements de cœur maternels s’égrènent.
Curieusement, cette mélodie funeste ne suscite chez vous ni colère ni angoisse;
uniquement la joie de se voir offrir une seconde chance. Au-delà de toute
affliction, seul l’espoir demeure. Vous voilà à présent libéré de l’autorité
qui vous entravait...
Afin d’enterrer définitivement votre passé, vous vous rendez sous un pont, de
manière à faire disparaître ce cadavre qui vous encombre. C’est sans compter
sur l’intervention d’une jeune fille, semblant tout droit sortie d’un rêve,
qui, non content de vous aider dans votre basse besogne, va également vous
faire une offre peu banale: la suivre “dans son monde”, devenir son partenaire
et l’assister dans sa vengeance.
Dès lors, rien n’est plus pareil. Votre vie morne, ennuyeuse, conditionnée...
Tout cela va disparaître pour laisser place aux tueries incessantes, au
sifflement des balles, au gémissement des défunts,...
la Faucheuse
Cette histoire, c’est celle de Yuri et de sa rencontre avec Anna. Tout en
évoluant sur cette route jonchée de cadavre qu’il a choisi d’emprunter,
parviendra t’il à “sauver” celle pour qui
Tomes
4 Tomes (Achevé)
Édition Originale: Kadokawa
Années de Parution (Japon): Février 2001-2002
Année de Parution (France): Non Édité (vu qu’il y a peu de chance pour que ce
petit bijoux subisse un jour un lifting dans la langue de Molière, je ne peux
que vous inciter à vous le procurer par le biais des teams de Scantrad.)
Disponible sur:
Avis
personnel
Ce n’est un secret pour personne, la combinaison gagnante “
Personnages complexes + Scénario sombre et bien ficelé + Monceaux de macchabée
se trimballant toutes les trois pages”, communément appelée “Seinen”, a depuis
bien longtemps fait ses preuves au pays du soleil levant. Seulement voilà, nous
autres occidentaux, surnommés, à juste titre d’ailleurs, les “Dindons (Avec un
“D” s’il vous plaît parce que, dans cette catégorie, faut bien avouez qu’on est
les champions ^ ^) de la farce” restons, dans ce domaine, fort mal lotis. Bien
entendu, nous avons eu droit à des petits bijoux tels que “Monster”, “Mpd
Psycho”, “Agharta” ou bien encore “Step Up Love Story” (Nan je déconne là ^ ^)
mais, au final, ils parviennent tout juste à nous faire oublier que ce genre
reste malheureusement trop peu connu en France...
Pour pallier à cela (Bande de petits veinards!! Qu’est ce qu’on ferait pas pour
vous?!!), je me propose aujourd’hui de vous faire découvrir une artiste dont ce
“style de manga” (Le “Seinen” pour ceux qui nous rejoignent en cours de
route...) constitut justement le domaine de prédilection.
Yua Kotegawa, puisque c’est son nom, non content d’avoir un don pour les
oeuvres dites “matures”, est également une mangaka bourrée de talent, comme en
témoigne le prix que lui a décerné le Weekly Young Jump pour son premier manga,
“Ottori Sousa”, lequel lui a notamment permis d’accéder au statut de
professionnel (Pour être tout à fait franc, elle a fini deuxième mais bon, je
suis censé vous en mettre plein la vue alors ^ ^).
Enfin, je ne vais pas m’attarder sur la biographie de l’auteur mais plutôt sur
son second titre, “Anne Freaks”, lequel peut d’or et déjà être considéré comme
l’un des seinens les plus déroutants jamais élaboré... Quant à savoir pourquoi,
et bien... lisez la suite!
Avant toutes choses, avoir du style...
Le graphisme représente indubitablement la qualité première d’un manga, le
facteur qui va permettre à l’œuvre de s’attirer les clameurs du lecteur ou, à
l’inverse, ses foudres et cela, avant même que le scénario, les personnages ou
une quelconque ambiance n’aient pu faire leurs preuves (FLCL en est l’exemple
parfait...). Cela, Mlle Kotegawa l’a parfaitement compris et, forte de ses
années d’expérience (notamment sur sa première série “Ottori Sousa”, dont on a
mis près de 4 ans à entrevoir la conclusion), nous propose avec “Anne Freaks”
un titre à l’aspect graphique classique mais ô combien efficace et, qui plus
est, se prêtant à merveille au genre dont il peut se targuer d’appartenir.
En effet, le trait de l’auteur, bien que fin et élancé, ne s’encombre d’aucun
détail. Il va à l’essentiel, préférant retranscrire, de façon simple et
limpide, toute l’émotion qui peut frapper un visage humain, plutôt que de le
ternir par un abus excessif d’artifices. Il en résulte des personnages pleins
de vie dont les expressions transparaissent avec une clarté sans pareille. A
cela s’ajoute des trames d’excellentes factures qui, non content d’embellir les
différents protagonistes (En particulier Anna dont le jolie minois en ferait
damner plus d’un... dont moi ^ ^), contribuent également à les “assombrir” lors
de certaines scènes, lesquelles gagnent alors en noirceur et, par conséquent,
en cohésion. En clair, le style de Yua Kotegawa est au service de son récit, il
se veut sobre et classique mais c’est uniquement pour gagner cette crédibilité
et ce réalisme qui font tout le charme des Seinens.
J’ajouterais que la mangaka est également capable de sortir des sentiers
battus, comme en témoigne notamment l’utilisation de SD (=> Abréviation de
“Super Deformed”, procédé humoristique visant à caricaturer un personnage en le
représentant avec un corps minuscule et une tête énorme), chose assez
surprenante dans une oeuvre qui se veut mature, sombre et réfléchie. Un concept
inattendu mais fort bien pensé puisqu’il apporte énormément à l’atmosphère
générale de la série, laquelle peut ainsi osciller entre moments dramatiques et
ambiance bon enfant. Un petit mot également sur les onomatopées, discrètes mais
remarquables d’efficacité, car s’intégrant parfaitement à l’action.
Enfin, je terminerai par une petite manie de l’auteur, laquelle semble
privilégié tout particulièrement les plans fixes et rapprochés. D’ordinaire, je
n’aurai que des louanges à faire sur cette “méthode” (Quoi de mieux qu’un bon
premier plan pour vous faire connaître l’état, aussi bien mental que physique,
dans lequel se trouve un personnage?) qui vous permet, entre autre, de vous
rincer les mirettes grâce à de splendides illustrations (Ce qui, croyez moi sur
parole, est le cas ici ^ ^). Seulement voilà, du fait de sa trop grande
tendance aux scènes passives, Mlle Kotegawa a, comme qui dirait, un peu de mal
avec les scènes d’action. Ce n’est pas grand chose, seulement on sent comme un
trait malhabile, une impression de rigidité dans les mouvements des protagonistes.
Toutefois, je vous rassure tout de suite, cette “petite lacune” ne se fait
réellement sentir que dans le premier tome car... j’ai gardé le meilleur pour
la fin! “Anne Freaks” a, en effet, été très profitable pour l’auteur et vous
aurez tout le loisir de constater l’évolution graphique prise par la série,
tout au long des 4 volumes la retraçant...
Bon, il est sur que mettre en avant des personnages esthétiques suscitent
l’intérêt, toutefois si ces derniers sonnent creux, preuve a été faite, à
mainte reprise dans le passé, que le dit intérêt s’estompait rapidement. Fort
heureusement, ce n’est pas le cas ici, et si les quelques clichés ornant cette
page ne vous avaient pas encore convaincus de la qualité évidente d’”Anne
Freaks”, alors j’ai le plaisir de vous annoncer que Yuri et ses potes vont s’en
charger...
Au nom d’Anna... (Rien à voir avec le film ^ ^)
Je vais donc vous parler plus en détails des différents personnages d’”Anne
Freaks”, et plus particulièrement de son “couple star”, Anna et Yuri...
Je commencerai par ce dernier, sans aucun doute l’un des protagonistes les plus
intéressants de la série. Yuri est l’archétype même du mec (plus précisément du
japonais) un peu paumé. Timoré et faible, n’ayant absolument aucun souvenir de
son père, il s’est plié, toute sa vie durant, à la conduite imposée par sa mère
et aux mauvais traitements que celle-ci lui infligeait. Il en a résulté un
adolescent soumis, particulièrement instable, dont la liberté bridée ne lui a
jamais permis de crier sa détresse au monde. Cette vie morne et terne explique
tout naturellement le fait qu’il est choisi de suivre Anna. Son seul lien
familial s’étant éteint, il n’était plus, dès lors, entravé par qui ou quoi que
ce soit et a donc pu, pour la première fois, choisir par lui même...
Cependant, si il est vrai que Yuri est un peu le “narrateur” d’”Anne Freaks”,
il n’en reste pas moins que le vrai personnage central de la série est Anna.
Cette adolescente de 16 ans au teint pâle, à la silhouette svelte et au faciès
angélique tient autant du diable que de son alter ego céleste. Condamné à mort
par le groupe Kakusei, une organisation extrémiste dans laquelle elle eu le
malheur de naître, cette enfant maudite a vu la mort rodée autour d’elle et ce,
dès son plus jeune âge. Ayant baigné dans le sang durant la majeure partie de
son enfance, elle a fini par développer une personnalité bien plus terrible que
celle de ses poursuivants. Son extraordinaire capacité à ôter la vie sans
néanmoins éprouver le moindre remord ainsi que l’indicible cruauté dont elle
fait preuve par moment en sont les exemples les plus flagrants. Néanmoins, son
assurance, sa froideur et cette folie qui semble l’habiter peuvent parfois
laisser place à un sourire d’une candeur indescriptible, preuve indéniable que
la jeune fille timide et frivole qu’était Anna a malgré tout survécu à cet
enfer... En dépit de cela, sa seule et unique motivation semble être la
destruction de ce groupe dont elle fut autrefois bannie... (Pour quelles
raisons? Ca je vous laisse le plaisir de le découvrir... NO SPOILER!! ^ ^)
Un petit mot sur les autres acteurs de cette fresque sanglante... en commençant
par Mitsuba Maezono, un jeune lycéen tokyoite ayant lui aussi tout perdu.
Impulsif jusqu’au bout des doigts, porté par un caractère agressif mais
néanmoins spontané, il est en tout point l’opposé de Yuri avec qui il forme un
duo tout en contraste.
Viennent ensuite Moe-San et l’officier Shouno, le premier étant un ancien
membre du groupe Kakusei se voulant protecteur d’Anna et la seconde, une jeune
idéaliste prête à tout pour épargner à des enfants les affres de la violence...
Deux très grands rôles prenant tout leur sens dans les deux derniers tomes. A
signaler enfin Nishikawa et “Le Pasteur” (Qui a fait très fort en trouvant le
moyen de ne pas mentionner son nom durant toute la série ^ ^), deux excellents
protagonistes... que je préfère vous laisser découvrir par vous même ^ ^
(‘cause i’m tired...)
“How you live determines how you die...”
Yua Kotegawa ne s’est pas contentée de proposer des personnages
charismatiques à la psychologie travaillée, elle a également doté chacun
d’entre eux d’une idéologie propre, de valeurs morales sans cesse mises en
avant et pour lesquelles certains vivent et d’autres meurent.
Ainsi, si Nishikawa se veut le bras d’une justice intraitable, ne reculant
devant aucun sacrifice pour arriver à ses fins, Shouno, à l’inverse, accorde
toujours le bénéfice du doute car convaincu que toute vie mérite d’être
épargnée. De même, si Anna a choisi de consacrer sa vie à sa vengeance, tuant
sans gène aucune quiconque tenterait de lui barrer la route; Moe, au contraire,
n’aspire plus qu’à la rédemption, vivant constamment dans le remord, accablé
par le poids de ses crimes qu’il est devenu incapable de supporter... Au milieu
de cet amas de conviction se trouvant Yuri, funambule meurtri qui, comme le
fera remarquer Anna, évolue en permanence à la frontière entre lumière et
ombre, entre ce que lui ordonne sa raison et ce que lui dicte son cœur...
Conclusion
“Left Of Center” (by Suzanne Vega)
C’est donc sur cette chanson, collant assez bien à
l’ambiance générale de l’œuvre, que nous allons nous quitter. Pour résumer,
“Anne Freaks” n’a ni la complexité d’un “Monster” ni le graphisme léché d’un
“Mpd Psycho” et encore moins l’univers torturé d’un “Blame!” et pourtant... il
parvient malgré tout à scotcher le lecteur. Le manga de Mlle Kotegawa n’est
peut être pas un chef-d’œuvre mais il a tout d’un excellent titre. De par sa
mise en scène d’abord, laquelle alterne efficacement affrontements intenses et
rencontres imprévues, mais également pour sa galerie de personnage haut en
couleur et surtout, pour son intrigue, classique mais efficace car
remarquablement bien menée... Après tout, qui n’a jamais rêvé de tout plaquer
du jour au lendemain pour une beauté fatale qui nous aurait juste dit “Suis
moi”...
Dans le fond, “Anne Freaks”, loin d’une banale histoire de vengeance ou de
châtiment, retrace simplement l’évolution d’un garçon amoureux qui va peu à peu
s’ouvrir à la vie en la soutirant aux autres et cela, au-delà de toutes
perceptions, du bien comme du mal...
Twinie